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Interview

La randonnée : une activité aussi thérapeutique que vitale pour Nicolas Darricau

Nicolas Darricau est passé de joueur de rugby au métier d’ingénieur pour finalement s’orienter vers une carrière d’éducateur sportif. Ayant toujours eu un indéfectible attrait pour le grand large, après une grave blessure au genou, Nicolas Darricau entreprend dorénavant des périples éprouvants autant physiquement que mentalement. Ce sportif n’imagine pas son quotidien assis derrière un bureau, pour lui la vie n’est qu’aventure !

Peux-tu te présenter et expliquer quand et comment s’est manifesté chez toi cet intérêt pour les sports de nature et pour la randonnée ?

"Je m’appelle Nicolas Darricau, j’ai 33 ans et je suis originaire des Landes, j’ai vécu au gré des aléas familiaux entre la côte Atlantique et le Béarn des gaves. Comme beaucoup de jeunes de ma région, j’ai partagé avec mes amis mes premières émotions sportives sur les terrains de rugby du Sud-Ouest. Cependant, et depuis mon plus jeune âge, une quête profonde m’a toujours animé : celle de la découverte de la nature en solitaire. La pêche, les cabanes en forêt, les balades interminables à vélo. Une curiosité insatiable comme moteur et l’envie de toujours découvrir ce qu’il se cachait derrière ces arbres, au sommet de cette dune, de l’autre côté de ce lac… Il m’est bien difficile d’exprimer et d’expliquer le pourquoi de cet attrait au sauvage. Rien dans mon éducation - ni personne dans mon entourage- ne m’y prédestinait. Pourtant, il est là et l’a toujours été. Jusqu’à cet été 2014 où je suis tombé littéralement amoureux de la course de montagne après un pari idiot à cause duquel j’ai pu participer tant bien que mal au marathon de Bidarray sans aucune préparation (alors que j’étais encore joueur de rugby). La suite ? Une fin de carrière ovale anticipée et toujours plus de montagne, une réorientation professionnelle (d’ingénieur en génie civil à éducateur sportif), un déménagement au Pays Basque, et beaucoup de crapahutage. Mais à l'époque, je préfère courir que randonner. Une grave blessure au genou va changer la donne. Pour reconstruire cette jambe, je ne pourrai que marcher pendant des mois et des mois. C’est ainsi, à plus de 30 ans, que les joies lentes et introspectives de la marche se sont offertes à moi."

crédit : Nicolas Darricau

Pour relater de manière chronologique tes aventures, les différents récits d’itinérance sur ton site se situent entre 2020 et 2021, as-tu entrepris des expéditions antérieures à 2020, si oui dans quelles conditions ?

"Avant cette année 2020, je n’avais pas encore entrepris « d’expéditions » à proprement parler, si ce n’est plusieurs beaux voyages loin des standards de confort habituels. Je pourrai citer un projet humanitaire à Madagascar, une exploration des parcs nationaux d’Afrique du Sud et quelques séjours itinérants à la recherche de vagues sur le continent Européen. Comme pour beaucoup d’entre nous, ma soif de découverte était malheureusement bridée par les contraintes du quotidien. Il a donc fallu réussir à m’en défaire pour réellement faire le grand saut vers mes projets d’aventure. Accepter la précarité (démission, logement, vie de famille…) et les moments de doute pour enfin prendre la poudre d’escampette pendant de longues semaines sans avoir à se soucier de ce qui sommeillait pendant mon absence. C’est souvent ce premier obstacle qui parait insurmontable. Une fois cette barrière mentale franchie, les perspectives les plus folles s’offrent à vous."

Février 2020 avant que la crise sanitaire vienne chambouler tous tes plans, tu as affronté la géante vague de Belharra en aviron, c’était une première, personne ne l’avait encore fait, comment as-tu vécu cette expérience ?

"Cette idée de ramer sur la vague de Belharra fut étroitement liée à ma blessure. Les locaux du club de l’Ur Yoko de Saint-Jean-de-Luz se situaient en effet juste à côté de la piste d’athlétisme sur laquelle j’effectuais régulièrement des séances de courses à pied. L’envie de coupler cette activité avec un autre sport moins traumatisant pour mes articulations m’a logiquement conduit à intégrer le club et à me prendre au jeu. Du « je fais de l’aviron comme ça », je me suis retrouvé en quelques semaines à ramer presque autant qu’à courir en montagne ! Puis vint ce genou brisé et ces longs mois de rééducation durant lesquels l’aviron fut encore plus précieux. Cette vague était devenue mon unique « Graal » du moment. Quoi de plus beau pour un amoureux de l’océan et des sports de glisse que de s’approcher au plus près d’une de cette immense masse d’eau ? Encore fallait-il qu’elle se décide à pointer le bout de son nez…

Et comme par magie (et surtout grâce à une énorme dépression au large du golfe de Gascogne), Belharra s’est réveillée un mémorable week-end de février. Tout juste une semaine avant mon ultime séjour au Centre Européen de Rééducation du Sportif de Capbreton ! L’occasion était trop belle ! Genou grippé ou pas, en avant ! Le plus dur aura finalement été de sortir de la baie de Socoa… Venir tutoyer l’épaule de Belharra et se laisser légèrement emporter par la puissance de la houle fut, toute proportion gardée, chose plus aisée. Je ne peux pas vraiment affirmer que j’ai surfé cette vague sur le plan littéral du terme. Elle m’aura juste légèrement entrainé avec mon embarcation. Il m’a fallu plusieurs jours pour que toutes ces sensations retombent. Et je m’en souviendrai encore longtemps ! Pour la petite histoire, j’ai ramé à nouveau sur Belharra fin Octobre 2020, juste après l’arrivée de ma double traversée des Pyrénées (et juste avant un nouveau confinement…). Des conditions « légèrement » plus dantesques qu’en Février avec un plan d’eau chaotique qui aurait pu voir se terminer ma petite balade contre la corniche d’Urrugne. Mais comme jamais deux sans trois, j’attends avec impatience la prochaine fois".

Bibote d'Haricot- personnage créé par Nicolas Darricau

Durant le premier confinement entre mars et mai 2020 tu as créé un personnage de télé-animation pour enfants "Bibote d'Haricot" afin de proposer aux enfants confinés des activités à faire chez soi. Comment t’es venu l’idée de mettre en scène ce personnage ?

"J’ai toujours eu de nombreux personnages qui trottaient dans ma tête. C’est un défaut quand il faut se concentrer, mais c’est parfois une qualité ! Alors lorsqu’est venu le premier confinement, j’ai de suite pensé mettre à profit cette imagination foisonnante pour égayer les journées des enfants dont je m’occupais dans la petite école d’Olhette. Le but était très simple : leur proposer tous les jours de changer d’air en rendant cette situation inédite de pandémie beaucoup moins anxiogène. Pour ce faire, j’ai décidé de mettre en scène mon moi imaginaire, « Bibote d’Haricot » (« Bibote » signifiant « moustache » en Basque), dans son appartement. Chaque soir, les aventures de Bibote, accompagné d’une batterie de personnages très particuliers (une tortue Japonaise, un fossile de trilobite, une taupe aveugle, un policier British…), permettaient aux enfants (et aux parents qui n’étaient pas en reste) de participer à des activités déjantées dans le cadre d’un petit championnat entre les familles : le « Bibote Txapelketa ». Et la réalité a dépassé la fiction… Lors de mon retour à l’école une fois le confinement terminé, je n’étais plus « Nicolas » : j’étais devenu « Bibote »." 

Parlons de ce qui fut pour toi ton premier vrai défi : en automne 2020, tu as entrepris une double traversée des Pyrénées françaises et espagnoles par les sentiers du GR® 10 et du GR® 11. Tu as tenu un journal de bord afin de narrer de manière ludique ton quotidien durant cette longue odyssée toujours accompagné de ton fidèle personnage et ami imaginaire "Bibote d'Haricot". D’abord, pourquoi avoir choisi cet itinéraire ensuite quelles difficultés as-tu rencontré en chemin ?

"En 2019, ma blessure au genou s’est télescopée avec un deuil familial et des problèmes professionnels. On ne peut pas dire que mon état d’esprit était très positif durant cette période compliquée… Si bien que deux semaines seulement après mon opération, j’ai eu la belle idée, dans un élan de douce folie, d’aller escalader la Rhune avec mon attelle et des bâtons en guise de béquilles améliorées. Après cette ascension, aussi imprudente que psychologiquement ressourçante, j’ai décidé que dès que je le pourrai je m’engagerai dans la traversée des Pyrénées par le GR® 10. D’abord une fois… Puis me vint rapidement cette idée d’y rajouter son retour. Pourquoi ? Parce que c’était quand même beaucoup plus gratifiant de réussir à renter à la maison sans prendre le train à Banyuls-sur-Mer ! Au départ je pensais que j’effectuerai aussi ce retour par les sentiers foulés à l’aller. Mais en allant plus vite afin de me battre avec moi-même. Au fil de mon avancée, j'ai pris conscience qu’il serait extrêmement dur mentalement de parcourir deux fois ce trajet ardu dans un temps si court. Et il me restait surtout un versant entier des Pyrénées à découvrir. J’ai donc pris la décision au dernier moment, c'est-à-dire une fois les pieds dans la Méditerranée, de finalement regagner l’océan Atlantique en traversant les Pyrénées Espagnoles. Je n’ai pas été déçu ! Car, même si je suis très cocardier, il faut bien reconnaitre que ce GR® 11 avait quelque chose en plus. Au niveau des difficultés, il me restera bien sûr gravé en mémoire la météo apocalyptique lors de la deuxième partie de mon voyage. Dès le premier jour de mon retour, la tempête Alex pour lancer les hostilités, puis quelques jours plus tard des chutes de neiges exceptionnelles à cette période de l’année qio m'ont particulièrement mis en difficulté en Andorre et surtout dans le Parc National d’Aigüestortes, et enfin le bouquet final avec la tempête Barbara et ses rafales à 200 km/h. On peut dire que la montagne m’a lancé un sacré défi ! Mais chaque fois j’ai réussi à y faire face. Ce que je n’aurais jamais cru avant de partir si on m’avait prédit ces moments d’enfer."

crédit : Nicolas Darricau

Tu devais faire un trail de deux mois au Cambodge en association avec l’ONG "Pour un sourire d’enfant" (PSE) en mai 2021. En raison des restrictions sanitaires tu as dû annuler ton voyage. Parle nous de ce projet cher à ton cœur et dis-nous : pourquoi le Cambodge ?

"Le principe de mon projet « Pour un Sourire » était somme toute assez simple : faire le tour du Cambodge en courant et raconter les pérégrinations de Bibote et de son guide local « Mhous Tikh » (un moustique azimuté rencontré pendant la période de quarantaine à mon entrée au pays). Toujours avec un ton décalé, je comptais faire en sorte que le dialogue entre les deux personnages, illustré par des photographies capturées au fil de mon avancée, permette de découvrir la beauté du Cambodge et la vie de ses habitants de manière originale et loin des clichés. En allant à la rencontre de personnes ayant reçu le soutien de l’ONG « Pour un Sourire d’Enfant », je souhaitais mettre en lumière son travail auprès de la population. Scolarité, alimentation, santé… Depuis plus de 20 ans, l’Organisation Non Gouvernementale PSE agit en effet au Cambodge en faveur d’enfants défavorisés pour les mener de la misère à un métier. Côté sportif, ce tour du Cambodge allait être un défi très engagé : réussir à courir quasiment un marathon par jour pendant plus de deux mois en bravant les conditions climatiques très exigeantes de l’Asie du sud-est : température, humidité, pluies parfois diluviennes. Un entraînement intense de plusieurs mois et une acclimatation de six semaines sur place m’ont permis d’être fin prêt pour mon départ qui devait de réaliser dans le courant du mois d’Avril. Quand le pays connut malheureusement son premier confinement… Un confinement à « l’Asiatique » avec toute la rigueur que cela implique… Compte tenu de l’incertitude sanitaire et de la dureté des mesures prises sur place, j’ai décidé de rentrer en France après quasiment trois mois passés au Cambodge. Mais pourquoi le Cambodge ? Car une partie de ma famille (dont certains membres sont des bénévoles très actifs chez PSE) s’y est expatriée depuis de nombreuses années. J’y avais donc déjà séjourné quelques temps à la fin de mon adolescence et j’avais gardé de ce voyage un excellent souvenir en découvrant un pays magnifique sur le plan écologique, un patrimoine somptueux, et des habitants d’une extrême gentillesse. Tout n’est cependant pas perdu et je compte retenter ma chance en terres Khmères d’ici la fin d’année 2022. En espérant (sans vraiment trop y croire…) que nous verrons dans quelques mois une issue positive à cet épisode pandémique."

Entre mai et juin 2021, toujours dans cet état d’esprit de repousser tes limites, tu as fait une double traversée du Sud de la France jusqu’au sentier du GR® 20.  Tu as effectué ce parcours en alternant le vélo et la course à pied, comment es-tu parvenu à gérer ton matériel et à relever ce défi sportif du début à la fin ?

"Repousser mes limites pas forcément. Juste me remettre au plus vite de la déception de ce tour du Cambodge avorté à cause du Covid. Tant d’investissement, de travail, et d’heures d’entraînement pour revenir en France la queue entre les jambes ? Rentré au pays à la mi-mai, j’avais un peu plus d’un mois devant moi avant de démarrer un emploi saisonnier. Hors de question ! J’ai donc très rapidement décidé de prendre mon vélo et de quitter les Landes en direction de la Corse. Une aventure sur un coup de tête, mais quelle aventure : la Route des Cols, le Mont Ventoux deux fois dans la même journée en vélo et à pied, le GR® 20 en cinq jours, la Camargue, la Côte d’Azur, le Haut-Languedoc… Tant de diversité en seulement un mois avec une météo de la partie pour couronner le tout. De quoi bien se remotiver après mon échec cambodgien ! Pour ce qui est du matériel, tout a été improvisé très rapidement… Quelques sacoches bon marché sur mon vélo de route (bon marché aussi mais tant que ça roule !), un sac de 25 litres sur le dos avec tout le matériel de randonnée en mode « light » pour le GR® 20, le dépôt de mon vélo chez un ami à Toulon avant de prendre le ferry en direction de la Corse, la récupération du vélo quelques jours plus tard, etc… Cette aventure ne fut pas vraiment un modèle de préparation mais ma forme au beau fixe (ou un peu de chance…) m’a permis de limiter les effets parfois « désagréables » de toutes les erreurs commises pendant cette traversée, notamment au niveau des réglages de ma monture et de quelques passages orageux sur l’Île de Beauté."

crédit : Nicolas Darricau

Fort de ta déception de départ avorté pour le Cambodge, tu as vite repris du poil de la bête, tu as traversé l’intégralité du littoral ouest de la France à pied et en autonomie du mois d’août à novembre 2021. Durant ton périple tu as sillonné la Mer du Nord, la Manche et l’Atlantique sur 4000 kilomètres. Comment as-tu maintenu ton mental au beau fixe durant cette randonnée en solitaire ?

"En m’engageant dans ce très long périple en autonomie le long de nos côtes, je ne m’attendais absolument pas à certaines de ses difficultés. Quand on pense aux treks au long cours on imagine de suite des paysages plus ou moins montagneux à la fois verdoyant et rocailleux. Mais une randonnée au bord de l’océan ? Evidemment les plages, la mélodie de la houle, les parfums iodés, le sable ou bien les falaises viennent immédiatement à l’esprit. On pense aussi à la chaleur, au soleil qui risque de cogner, et parfois aux tempêtes à affronter en étant complètement à découvert. Tout ceci, je m’y étais préparé. J’étais bien conscient que les 4000 kilomètres de ce voyage ne serait pas toujours une partie de plaisir malgré un cadre idyllique sur le papier…Il y a juste une chose que j’ai complètement omise en songeant à ce projet : les embouchures des cours d’eau, les bras de mer, les baies… Tous ces kilomètres (parfois des dizaines !) de surplace durant lesquels mon mental a souvent vacillé. C’est un vraiment combat intérieur contre le découragement qui se joue lorsque vous vous rendez compte qu’après une journée de presque soixante kilomètres de marche votre position sur la carte de France est quasiment la même que la veille… Il faut alors faire le dos rond et se dire que chaque kilomètre effectué, même s’il ne longe pas l’eau salée, sera un de moins à réaliser (et un de plus à déguster) avant votre arrivée. Et quand vous atteignez enfin ce pont, regagnez la côte, arrivez de l’autre côté de cette baie, vous vous dites que finalement ce n’était pas la mer à boire. En attendant la prochaine déviation.

C’est un peu l’histoire de cette aventure. Des moments de doutes alternés avec des instants merveilleux : les levers et les couchers de soleil (comme celui à mon arrivée au pied du Mont-Saint-Michel), le charme de la Normandie, l’émotion des plages du Débarquement, le tour de la pointe de la Hague, la sauvage beauté de la côte finistérienne, les bivouacs tous plus improvisés les uns que les autres…En gardant toujours à l’esprit mon défi personnel très… « Jules Vernesque » : réussir à réaliser ces 4000 kilomètres sans aucune aide extérieure en moins de 80 jours. Il m’en aura finalement fallu 79 ! Et je ne suis pas près d’oublier un seul d’entre eux."

crédit : Nicolas Darricau

Lors de tes nombreuses explorations, tu as sûrement dû traverser des espaces protégés, estimes-tu être un éco randonneur c’est-à-dire comment limites-tu au maximum les traces de ton passage dans la nature ?

"Le long de tous ces GR®, et lors de quelques passages hors sentier, je tente de limiter mon impact sur l’environnement par mon minimalisme et ma discrétion. Pour la nature que ces sentiers traversent, les autres pratiquants qui les empruntent, et aussi pour moi. L’expérience de la marche est en effet rendue encore plus intense lorsque votre discrétion vous permet d’apercevoir la faune sans la déranger, d’écouter les sons qui vous accompagnent, de sentir les effluves qui jalonnent votre parcours... Je m’évertue donc au maximum à me camoufler dans les espaces que je traverse et dans lesquels j’installe mes bivouacs. Jamais je ne laisse le moindre déchet derrière moi et en aucun cas je ne déroge à cette règle. Des déchets (et parfois ceux des autres…) que je conserve dans des poches jusqu’à ce qu’il me soit possible de les évacuer dans des installations prévues à cet effet. Cela peut souvent paraitre contraignant, mais c’est surtout le minimum pour remercier Mère Nature de son accueil. Par les textes qui ponctuent mes journaux de bord, j’essaie aussi (très modestement) d’éveiller les consciences en décrivant à ma manière les dérives et les absurdités de notre société d’hyperconsommation. Une façon comme une autre d’engager Bibote dans une démarche subliminale « d’éco randonnée »."

On remarque que tu associes souvent des organisations humanitaires ou des institutions publiques à tes voyages par exemple ta traversée de l’Ouest tu l’as fait en soutien à l’association "Les Ailes de Matis", la double traversée des Pyrénnées en partenariat avec l’École Publique d’Olhette et ton projet en cours de trail au Cambodge en soutien à l’ONG "Pour un sourire d’enfant". Est-ce une façon pour toi d’intégrer la philanthropie comme une valeur dans ta vie de baroudeur ?

"Une question revenait souvent lors de mes brefs échanges avec ceux qui croisaient mon chemin pendant ma dernière aventure : « Vous faites ça pour une association ? ». Ma réponse les surprenait parfois… « Non, je fais ça pour moi. Mais tant qu’à faire, pourquoi ne pas en faire profiter une association ? » C’est exactement ma philosophie. Je ne me revendique pas plus philanthrope que la moyenne. En étant honnête, il m’est impossible d’avouer que mes périples sont généreusement réalisés au service d’une cause. Comme je l’ai dit précédemment, je suis principalement animé par une curiosité, une soif d’évasion et de dépassement personnel que chacune de mes aventures réussit à assouvir l’espace d’un instant. Cependant, certaines associations ou personnes me touchent et j’essaie donc de leur rendre un petit service avec la minuscule visibilité de mes projets. Sans le savoir, celles-ci me rendent la pareille dans les moments délicats. Il est en effet parfois difficile de trouver la motivation d’avancer quand rien ne va… Sauf si c’est pour le faire pour un autre ! Cela permet d’élargir sa zone de confort. Car l’orgueil et la rusticité viennent de temps à autre se percuter aux frontières de cette zone, mais jamais l’altruisme. J’espère que ça continuera."

crédit : Nicolas Darricau

Après avoir vécu toutes ses expériences, quel est selon toi la principale qualité inhérente à tout grand randonneur et quels conseils principaux donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer dans ce type d’aventure en autonomie ?

"Il pourrait paraître prétentieux de donner la principale qualité d’un « grand » randonneur. Certes mes randonnées sont longues (voire très longues car mes capacités physiques et mes choix de vie me le permettent), mais je me considère encore relativement novice dans le domaine de la grande randonnée. Même si j’ai encore beaucoup à apprendre, me viennent à l’esprit la rusticité, l’adaptabilité, ou bien encore la résilience. Or, si j’avais une seule qualité à faire émerger d’une longue liste, je choisirais la patience. Être capable d’aller vite et d’aller loin est une chose… Mais finalement, le vrai randonneur doit être capable d’aller longtemps, savoir voguer de temps forts en temps faibles entre l’émerveillement et la lassitude. Cette lenteur, indubitablement liée au mode de déplacement de la marche, notamment en portant une charge lourde, doit être acceptée comme une chance dans un monde où tout va trop vite.

Pour ce qui est des conseils, je me garderai bien de donner des conseils techniques, nutritionnels, physiques, logistiques, ou de sécurité… Il y a de toute façon déjà beaucoup de sources sur internet et sur des magasines spécialisés comme le vôtre. Si j’avais un seul vague conseil à donner, ça serait plutôt la quête d’un état d’esprit. Chacun est capable de modeler l’aventure de ses rêves à sa mesure. Bien sûr nous avons tous des moyens et des contraintes différentes. Mais cette possibilité de faire un choix qui nous est propre est universelle. Le choix de son matériel, des caractéristiques de son parcours, de la façon dont on veut vivre son vagabondage. L’autonomie est une forme d’indépendance qu’on acquiert au fil de ses expériences et de ses erreurs. Il me parait impossible d’apprendre l’autonomie sur un plan purement théorique ou pratique. On apprend selon moi simplement à accepter de commettre ses propres erreurs et à les corriger encore et encore. On tend à atteindre cette indépendance qui nous permet de vivre de magnifiques épopées pédestres le plus librement possible. En voilà un conseil bien abstrait !"

Souhaiterais-tu aborder un sujet qui n’a pas été mentionné dans les questions. Tu pourrais en profiter pour nous parler des prochaines aventures prévues par Bibote ?

"Mes prochaines aventures ? Repartir au Cambodge pour y effectuer mon tour évidemment ! J’espère bien y retourner à la fin de cette nouvelle année. Mais la situation politico-sanitaire internationale étant ce qu’elle est, j’ai aussi une petite idée moins « risquée » qui gambade dans ma tête depuis maintenant quelques semaines… Une odyssée en altitude 100% « Made in France » : la traversée quasi-intégrale de tous ses massifs montagneux en autonomie et en une seule traite. En pleine phase de création d’entreprise (de balades pédestres et fluviales), je suis dans l’attente de réponses importantes pour concrétiser ce projet professionnel. Si elles sont en ma défaveur, je sais ce qu’il me restera à faire quand la neige aura commencé à fondre au printemps prochain."

Vous pouvez suivre les aventures de Nicolas Darricau sur son blog ,facebook,instagram et linked'in

 

Rédaction MonGR.fr - février 2022

Publié le 07/02/2022