Deux Pas Vers l’Autre pour raconter l'Europe
Deux jeunes randonneurs en quête d’aventure, Marie Couderc et Nil Hoppenot, ont décidé de se lancer un défi hors-du-commun : celui de rallier le Portugal à la Turquie à pied et en traçant leur propre itinéraire ! Une aventure humaine unique longue de 10 000 kilomètres avec pour objectif de raconter l’Europe. Entretien avec les protagonistes du projet « 2 Pas Vers l’Autre ».
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet 2 Pas Vers l’Autre ?
En premier lieu, les « deux pas » symbolisent d'abord les nôtres, et derrière il y a l’idée d’aller ensemble « vers l’autre », notre voisin. Aujourd’hui, nous avons l’impression de pouvoir mieux parler de Bangkok ou de l’Australie que de la Bulgarie ou du Monténégro, alors que ces pays sont pourtant géographiquement plus proches de nous. C’est quelque chose qui nous embêtait. Au final, on connaît mieux les gens et leur vie à l’autre bout du monde que nos propres voisins. Nous nous sommes donc décidés à traverser l’Europe d'Ouest en Est et visiter ces pays (17 au total, ndlr) dont nous ne connaissons presque rien ou dont nous avons une image tronquée. Parallèlement, notre idée est aussi d’insuffler une envie de liberté, de bien-être et d’éco-responsabilité.
C’est ce qui explique votre choix de lier votre projet à la randonnée ?
Il y a plusieurs raisons à cela. La première c’est qu’on adore marcher, même s’il est évident que nous n’avions encore jamais fait ce type de randonnées auparavant. Ensuite, c’est que la marche est très symbolique, nous entendons par là qu’il y a une prise de conscience sur l’environnement de plus en plus présente à l’échelle du monde. En ce sens, la randonnée permet de réaliser un voyage écoresponsable et avec une empreinte carbone très modeste. Ensuite, il y a la philosophie de la randonnée : c’est une activité pendant laquelle on vit à un rythme humain et qui nous permet de prendre du recul sur la condition humaine. Enfin, la raison pour laquelle nous avons décidé de marcher tourne autour de la vulnérabilité qui lui incombe. Le marcheur, dans sa position même de marcheur, est vulnérable. En cela, il est approchable et les rencontres sont beaucoup plus faciles. Etre à pied favorise les échanges. C’est donc la meilleure façon de raconter l’Europe telle qu’est est réellement.
En somme, c’est un retour aux fondamentaux…
Exactement ! S’il y a bien une pensée qui caractérise la randonnée, c’est ce retour à l’essentiel. Les choses les plus simples redeviennent naturellement les choses les plus belles. On s’éloigne de la pression sociale et des faux problèmes qui nous polluent l’esprit. En randonnée, les problèmes se repositionnent sur des choses plus véritables : Où allons-nous dormir ? Comment ne pas avoir froid ? Qu’est-ce que je vais manger ? Est-ce qu’il me reste de l’eau ? On n’a pas le temps de penser aux autres questionnements auxiliaires. Et puis, la randonnée, c’est une activité tellement simple à mettre en œuvre. On peut faire de la randonnée en région parisienne, en bord de mer ou dans les montagnes. Tout dépend de ce que l’on recherche, mais tout est possible !
Votre projet vous fait traverser l’Europe sur toutes les saisons de l’année. Comment l’appréhendez-vous ?
En février 2018, nous serons au Portugal et en Espagne. Cela ne sera pas trop inquiétant sur le plan climatique. En mars, on traversera les Pyrénées vers Perpignan. Ce choix nous permettra d’éviter la partie trop montagneuse, avant de sillonner la France au printemps. Puis l’été, on traverse la Via Alpina. Jusqu’ici et dans l’ensemble, ça devrait aller. C’est après que ça peut éventuellement se gâter et que l’on fera face à quelques surprises puisqu’on arrivera sur les Balkans en automne-hiver. Là-bas, à partir de la Bosnie-Herzégovine, le climat y est continental et il est difficile de savoir à quoi s’attendre en plein cœur de l’hiver.
"En France, les sentiers sont tellement bien balisés qu’on n’a jamais croisé cela ailleurs"
Avez-vous justement recours à une préparation particulière pour lutter au mieux face aux différents environnements et intempéries que vous serez amenés à rencontrer ?
Il est certain qu’on ne part pas pendant près d’un an et demi sans préparation. En plus de nos séances de sport habituelles, nous avons donc planifié 4 voyages échelonnés de juin à décembre dans le but d’expérimenter des climats différents. En juin, nous avons par exemple réalisé une traversée des Alpes en partant du Nord de Nice jusqu’en Italie à Cuneo, ce qui représente environ 200 kilomètres. Plus récemment, nous avons réalisé la même chose, mais dans les Pyrénées cette fois. Ces voyages préparatifs nous permettent également de tester notre matériel audio et vidéo, puisque contrairement à une randonnée classique où nous emportons des fournitures ultra légères, on va se retrouver ici à porter de l’équipement beaucoup plus lourd. C’est ce qui explique notamment le fait que nous nous limitons à 20 kilomètres de randonnée par jour, même si fort heureusement, les récentes avancées technologiques en matière d'équipement nous permettent de choisir du matériel léger et résistant.
Concernant la traversée en France, comment avez-vous défini votre parcours ?
La définition du parcours en France a été particulière à gérer du fait des GR®. On arrive en France par le flanc méditerranéen. Ce choix s’est rapidement imposé pour éviter la traversée des Pyrénées en plein hiver. Juste après l’Espagne, on récupère ainsi le GR® 71 de Lézignan jusqu’à Saint-Pons-de-Thornières. Puis, on récupère une variante du GR® 7 jusqu’au sud de Florac, dans les Cévennes. La partie cévenole nous a semblé incontournable, car forte en identité forestière et champêtre. Nous avions vraiment envie de montrer une France rurale. Plus loin, on rejoint les gorges de l’Ardèche avant de redescendre petit à petit sur la Côte d’Azur. Sur la fin, ce seront de grandes portions du GR® 51 et les balcons de la Méditerranée que nous emprunterons. Au final, nous profitons surtout de la facilité d’accès aux GR® et de son balisage millimétré, mais en aucun cas nous avons construit notre itinéraire en fonction des GR®. Nous sommes là pour représenter la diversité de l’Europe et avoir un parcours très riche.
Vous semblez mettre en avant le côté pratique des GR®.
Oui. C’est bien simple, il n’y a pas ou peu de pays dans lesquels on puisse marcher sur les sentiers de façon aussi claire et simple qu’en France. Les sentiers sont tellement bien balisés qu’on n’a jamais croisé cela ailleurs ! Vers les pays de l’ex-Yougoslavie par exemple, beaucoup de mines antipersonnel sont encore présentes et font qu’on ne prend pas le premier chemin qui se présente. Il faut faire attention où l’on met les pieds. On a énormément de chance en France d’avoir des bénévoles qui mettent de l’énergie pour baliser et aménager correctement les sentiers de grande randonnée. Ce travail en amont nous offre par la suite une liberté infinie pour construire l’itinéraire de nos rêves. D’autre part, nous avons aussi la chance d’avoir accès à des quantités d’informations et de documentations qui nous permettent de se préparer dans des conditions optimales. C’est encore plus vrai avec le développement des outils digitaux. Maintenant, on dispose des traces GPX et de GPS nous permettant de tout imaginer en terme de randonnée.
Y-a-t-il des endroits particuliers qui viendront enrichir votre itinéraire ?
Bien sûr. Ce long trek de 10 000 kilomètres est aussi l’opportunité de retourner vers des endroits qui sont des berceaux de notre enfance. Quand Marie était petite, elle a passé beaucoup de temps dans le Nord de l’Espagne, à Cadaquès. C’est là qu’elle a pris goût à l’extérieur et à la nature. C’est donc tout naturellement que notre itinéraire de randonnée passera par ce point. Me concernant (Nil), on a trouvé cet alter ego en France sur l’île de Porquerolles, où j’ai passé un peu de temps étant petit. En visitant ces deux endroits chers à notre cœur, on souhaite aussi amener notre audience vers quelque chose de plus personnel. Et puis, c’est aussi l’occasion de visiter des endroits magnifiques.
A propos de Marie et de Nil :
Marie : Avant d’embarquer dans cette aventure, j’ai travaillé en tant que DRH dans une grande entreprise française après avoir suivi des études de sociologie. La connaissance des autres m’a toujours beaucoup intéressée. En tant que voyageur, j’ai toujours pris part depuis mon adolescence à de longues randonnées à pied. Mais, se lancer dans un défi aussi conséquent que 2PVA reste un énorme challenge pour moi !
Nil : Je suis issu du monde visuel. J’aime raconter des histoires à travers des images et des photos. Pendant presque 10 ans, j’ai travaillé en tant que photographe, ce qui m’a permis de beaucoup voyager. Après de nombreux trek et randonnées, j’ai peu à peu ressenti le besoin de mélanger mon job et ma passion pour faire quelque chose d’encore plus grand. C’est ce qui explique 2PVA.
Cette interview vous a plu ? Découvrez-en davantage sur leur blog, facebook, instagram ou youtube !
Propos recueillis par Bruno PESSIOT et Anne DENY – novembre 2017