Interview : Call of the Walk, la traversée des états sauvages d'Amérique à pied
Amies depuis 6 ans, passionnées de randonnée et curieuses par nature, Marianne Mignot et Marine Hautier partagent toutes deux le goût pour la découverte de nouveaux horizons. Ces deux aventurières ont ainsi décidé de se lancer dans un projet exceptionnel : réaliser la traversée des états sauvages d'Amérique du nord à pied par le sentier du Pacific Crest Trail ! Entretien avec les protagonistes du projet « Call of the Walk ».
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet "Call of Walk" ?
Le nom du projet fera certainement écho aux amoureux de l'œuvre aventureuse de Jack London The call of the wild*. A l'instar de ce récit, notre projet prône la vie en extérieur, hors de la civilisation et de son confort excédentaire. Au delà d'un simple attrait pour le grand air, Call of the Walk est un reliquat d'instinct qui émane de la Nature et nous pousse à révéler la nôtre. C'est un projet qui interpelle la condition intrinsèque de l'Homme : marcher pour avancer. L'objectif est donc de traverser à pied les Etats-Unis, de la frontière mexicaine jusqu'au Canada, sur 4 270 kilomètres de parcours alliant déserts, forêts et montagnes. Le tout, au cœur de l'immensité américaine. Notre départ est prévu pour le 4 avril depuis San Diego.
Associer votre projet à une activité telle que la marche prend donc tout son sens...
Tout à fait. Notre rapport au temps devient de plus en plus conflictuel : regards rivés sur nos poignets, les journées défilent en courant après des horaires donnés. Marcher, c'est prendre le contre-pied de toute cette frénésie. Il est important de renouer avec un rythme plus naturel. En cela, la marche est le moyen idéal de se retrouver face à soi et de se détacher de toutes ces considérations superflues.
Vous semblez également mettre en avant la marche comme un moyen de lutter contre la sédentarité. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il suffit de regarder autour de soi pour comprendre que la technologie nourrit en nous une forme de paresse qui annihile notre autonomie de déplacement. Il est si facile de se laisser porter par un ascenseur, alors pourquoi prendre les escaliers ? En cherchant à se doter de multiples commodités, nous en oublions la formidable ingéniosité dont la Nature a fait preuve pour façonner notre corps. La marche est l'un de nos premiers apprentissages, nous aurions tort de ne pas l'entretenir. A travers ce projet, nous souhaitons remettre en lumière notre mode de déplacement originel, hélas trop souvent négligé.
Vous décidez de vous attaquer au Pacific Crest Trail. Pourquoi cet itinéraire ?
Nous avons découvert l'existence de ce sentier en se penchant sur la cartographie des grands itinéraires de la planète et l'idée de rallier deux frontières à la seule force de nos pieds nous plaît.
"La complicité et les valeurs que nous partageons nous permettent d'envisager sereinement ce défi à deux"
Y-a-t-il des endroits qui viendront enrichir votre itinéraire ?
Le Pacific Crest Trail sillonne trois états américains et une province canadienne, ce qui nous offre une grande diversité des espaces rencontrés. Le tracé passera à proximité du Mont Whitney, point culminant de la Sierra Nevada qui s'élève à 4 421 mètres. C'est aussi le plus haut sommet américain en dehors de l'Alaska. Si les conditions nous le permettent, nous tenterons l'ascension de ce géant granitique !
Le Pacific Crest Trail un itinéraire réputé complexe. Réaliserez-vous une préparation particulière ?
Au regard de l'exigence physique que requiert un tel trek, une préparation adéquate est bien évidemment de rigueur ! Nous effectuons régulièrement des entraînements en course à pied et en ski de fond. De par nos métiers respectifs (Marianne et Marine sont toutes deux accompagnatrices en montagne, ndlr), nous bénéficions aussi d'une bonne condition physique. A cela s'ajoutent évidemment la complicité et les valeurs que nous partageons et qui nous permettent d'envisager sereinement ce défi.
Comment comptez-vous gérer l'aspect logistique tout au long de votre trek ?
La légèreté du matériel va primer ! Privilégiant le sommeil à la belle étoile, nous partons sur un équipement de bivouac rudimentaire, mais efficace. Un tarp ainsi qu'une moustiquaire d'appoint nous fourniront un abri digne de ce nom pour les nuits les plus tourmentées. Nos fonds de sac n'excéderont pas 6 kilos. A cela s'ajoutera la nourriture pour plusieurs jours, le tout ne devant pas dépasser 11 kilos pour ne pas freiner notre avancée. Enfin, les bâtons de marche nous seront utiles, tant pour la progression que pour l'installation du bivouac.
Et concernant votre outil de travail pédestre ?
Pour nos pieds, nous opterons pour des chaussures légères à tiges basses type trail, afin de libérer nos chevilles et nous permettre un bon déroulé du mouvement. Les tiges hautes, parfois trop ridiges ont finalement tendance à fragiliser la cheville, puisqu'elles entravent la gestuelle naturelle et ne permettent pas à cette zone de se renforcer. Avec des tiges basses, les genoux seront aussi soulagés.
A l'issue de votre aventure, vous souhaitez rédiger un ouvrage sur le thème de l'itinérance. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?
Sans nul doute, nous sortirons grandies de cette itinérance, car migrer pendant plus de trois mois dans la nature demande une certaine capacité d'adaptation. L'ouvrage que nous souhaitons rédiger suite à cette aventure est un moyen de faire partager l'expérience acquise sur le terrain. Il compilera des situations significatives auxquelles nous aurons été confrontées durant la traversée.
A propos de Marianne et Marine
Marianne : Petite, je voulais sauver la planète du réchauffement climatique. Aujourd'hui accompagnatrice en montagne et aventurière dans l'âme, j'apporte mon aide en expliquant la nature aux gens que j'emmène sur les sentiers de randonnée.
Marine : Initiée à la randonnée depuis l'enfance, j'ai grandi en cultivant un goût pour la vie en extérieur. Plus jeune, une chose me faisait craindre l'avenir : je ne voulais pas finir assise derrière un bureau ! A 25 ans, mes jambes continuent de m'élever de crêtes en sommets et je poursuis mon chemin en me formant pour éveiller les gens à l'environnement. Pisteur-secouriste et accompagnatrice en montagne, j'ai finalement réussi à faire de la montagne mon bureau !
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Propos recueillis par Bruno PESSIOT – avril 2018