Larzac, le GR®71D dans les pas de la lutte par Frédéric Desfrenne (unecabaneparjour)
En juin 2025, Frédéric Desfrenne (@unecabaneparjour sur Instagram) est parti faire le tour du Larzac en suivant les balises du GR® 71D. Une itinérance de 6 jours au coeur du Parc naturel des Grandes Causses qu'il raconte ici !
Larzac, le GR®71D dans les pas de la lutte
Une itinérance sur le versant Est du plateau karstique du Larzac, le plus vaste des Grandes Causses
Ici le randonneur avance sur une terre aux horizons lointains, émaillée d’hameaux et de fermes aux toits de lauze et aux murs de pierres, de rochers aux formes étranges, de dolmens, de châteaux et de forteresses Templières et Hospitalières. C’est au cœur de ses grands espaces, que de 1971 à 1981, une poignée de paysans a lutté pour protéger leurs terres de l’extension d’un camp militaire.
Six jours au sein du parc naturel régional des Grands Causses sur les drailles bordées de cheveux d’ange qu’arpentent les brebis. Un GR® qui nous a permis d’explorer ce territoire de partage, sauvage et préservé.
Jour 1
ETAPE 1 MILLAU / LE CUN DU LARZAC
16KM D +565M
Nos premiers pas nous mènent au delà du Tarn. Derrière nous, Millau et ses ruelles médiévales, devant, plus haut, le plateau du Larzac qui nous toise depuis ses falaises.
Au bout d’une petite heure d’ascension, le plateau se déplie devant nous. Au Pas d’Estrech la vue sur Millau et le Causse Noir est sublime. Hors GR® (à 1.5 km et 20 minutes), ne manquez pas la « Jasse du Larzac », cette ancienne bergerie devenue symbole de la lutte paysanne. Aujourd'hui elle abrite une exposition sur le milieu caussenard et une boutique de producteurs paysans. En cette fin juin, le lieu n’est hélas pas encore ouvert (ouverture juillet et août).
Nous continuons notre progression sur un sentier en balcon qui serpente sur les corniches. A un virage, nous découvrons, perchés sur un rocher, un couple de vautours.
Au hameau de Potensac, nous découvrons notre première buissière : ces allées de buis, véritables arches végétales, protégeaient jadis troupeaux et bergers.
Un peu plus loin, le clocher de Saint-Martin-du-Larzac apparait. J’avais lu que celui-ci devait, si l’extension du camp militaire avait été effectuée, servir de cible aux canons. Une magnifique buissière nous y conduit. Nous apprécions la fraicheur de l’édifice. Il y a là, posée sur une table, une petite librairie consacrée à la lutte.
En sortant du hameau, on découvre sur le mur de la Jasse (bergerie) une exposition de photos en noir et blanc. Sur un cliché, on reconnaît le jeune José Bové.
Un peu plus loin, au détour du sentier, nous nous arrêtons à la ferme troglodytique des Baumes. Son auvent rocheux qui domine le hameau a été partiellement muré pour servir de résidence, sans doute dès le XVIe siècle.
Nous progressons ensuite au milieu des pins, des chênes et des buis pour rejoindre notre hébergement, une hutte dans l‘Eco-camping à Le Cun, un havre de paix où la végétation délimite des hébergements insolites.
JOUR 2
ETAPE 2 LE CUN DU LARZAC/ NANT
24 KM D+341M
Nous quittons notre hutte (confort !) au petit matin car la canicule que nous avons affronté la veille continue. La soirée a été merveilleuse avec, notamment la rencontre de Léon Mallié, une figure historique du Larzac. A plus de 80 ans, il est intarissable d’anecdotes. Pour notre première soirée sur le Larzac, nous découvrons l’accueil, la chaleur, la mémoire et l’art de vivre de ce territoire.
Après avoir traversé une forêt de pins illuminée par le soleil levant, nous atteignons le chaos ruiniforme des Anouts, puis le merveilleux hameau de Montredon, fief de José Bové et lieu emblématique du Larzac. Pour notre première pause, nous profitons de la table commune qui, sous les arbres, fait face au pré qui accueille, depuis plus de 30 ans, tous les mercredis en été (à partir de 18 heures) un marché paysan. A cette occasion, une librairie (La brebis qui lit) prend ses quartiers d’été dans une bergerie.
A un croisement, nous croisons la Ferme des Homs. Sur ce site un hectare est consacré aux aromatiques : différents thym, romarin, lavande, roses, sarriette, origan, hysope, menthe… Au bout des champs, penchés sur des rangs de lavande, des silhouettes s'affairent.
Sur le Larzac, le paysan dressait des murets en épierrant les champs, il se faisait aussi bâtisseur. Les fermes caussenardes aux toits de Lauze que l’on découvre le long du parcours, sont agencées en équerre. Les pierres sèches assemblées en voûtes superposées (par manque de bois) et les arcs soutiennent les lourds toits de Lauze. L’eau, si rare sur les plateaux est récupérée sur les toits citerne ou dans les lavognes (des mares creusées dans la roche destinées à abreuver les troupeaux).
Notre destination du jour, Nant, charmant petit bourg médiéval, est surnommé le « jardin de l’Aveyron ». Au Xème siècle, des moines y ont éradiqué un marécage pour faciliter l’exploitation des jardins, en créant des canaux. Après une longue descente depuis le plateau, en sous-bois, l’arrivée à Nant en début d’après-midi est bucolique. Le GR® longe des petits canaux (Les Vernèdes) révélant de somptueux jardins. Entre Cause du Larzac et Causse Noir, le charmant village de Nant nous séduit : abbatiale romane, halles pittoresque, pont du XIVᵉ siècle...
Fourbus, nous savourons un panier repas offert par l'Office de Tourisme Larzac et vallées et la boutique bistrot paysan de Nant. Au menu : bière locale, fromage, saucissons, jus de pomme... On se régale ! Le Larzac, c'est aussi et surtout un véritable terroir gastronomique.
JOUR 3
ETAPE 3 NANT/ LA COUVERTOIRADE
17KM D+512M
Comme à notre habitude maintenant, nous quittons Nant très tôt, alors que le marché s'installe à proximité des vieilles halles. Le GR® progresse au milieu des genêts et des herbes folles. Au hameau "Le Liquier", un point d'eau est offert aux randonneurs. Amis marcheurs, je vous recommande de partir avec le plus d'eau possible, le plateau est karstique, il y a peu de possibilités de se ravitailler en eau.
Si d’aventure vous arrivez à pied, comme nous à La Couvertoirade, le majestueux vaisseau de pierre de 12m de haut et de 400m de long vous impressionnera. Les remparts du XVe siècle protègent la petite cité, vieille de plus de 800 ans. Des moines chevaliers (les Templiers) puis des moines soldats (les Hospitaliers) occupèrent les lieux. Dans les ruelles, on explore l’architecture traditionnelle caussenarde, l’église Saint-Christol construite dans le rocher et le château templier (privé). Chaque ruelle pavée dispose d’une rigole qui collecte l’eau vers la lavogne qui est à la sortie du village.
Solveig Letort, guide et conférencière nous attend face au rempart. Elle évoque avec nous, la faune, la flore (venez au printemps nous dit-elle !), les terres templières et hospitalières, son merveilleux village où elle réside et naturellement, car elle est auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet et rédactrice du journal « Garderem lo Larzac » qui fête ses 50 ans cette année, la lutte.
Sur ses conseils, après le dîner, nous filons vers le moulin de Rédounel perché sur sa colline.
Solveig nous a glissé que le coucher de soleil vers 21 heures y était sublime. Nous sommes au rendez-vous, le ciel s'enflamme sur le plateau et sur les tours de La Couvertoirade.
Nous entendons des clochettes, plus bas, un immense troupeau progresse dans le vallon. Nous décidons de le rejoindre. Dans un champ, nous rencontrons Marc, berger itinérant, il garde plus de 1000 têtes. Nous retrouvons les brebis aux portes de leurs bergeries. Le soleil se couche sur le troupeau, le Larzac, terre d'agropastoralisme, nous offre un moment sublime.
JOUR 4
ETAPE 4 LA COUVERTOIRADE/LA CAVALERIE
25KM D +374M
A La Couvertoirade, nous sommes logés à la chambre d'hôte "Les Mourguettes". Au-delà de l'immense et très belle chambre, c'est un lieu à part ou règne poésie, littérature et humour. Pour une fois, malgré le fait que l'étape du jour soit la plus longue du parcours, nous partons un peu plus tard pour profiter du somptueux petit déjeuner et de nos hôtes.
Près de l'église de la Blaquerie, des habitants depuis leur voiture nous indiquent un "point d'eau bénite" pour les randonneurs. Effectivement, nous bénirons cent fois le robinet accolé à l'église qui possède un mobilier étonnant : un billard.
Je l'avais lu, elle est là, devant nous, droit devant (sur le Larzac, route et sentiers sont souvent rectilignes) cette ancienne voie ferrée qui reliait Le Vigan à Tournemire en escaladant les contreforts du Larzac. Nous voilà donc "en train" de cheminer sur le tracé du chemin de fer pendant 3 kilomètres. Le soleil est de plomb, le moral d’acier, il nous faut avancer, nous oscillons de droite à gauche, à la recherche de l’ombre.
Nous prenons la pause déjeuner à l'ombre des platanes de la charmante place du village de l’Hospitalet qui constituait une étape, avec hôpital, pour les voyageurs qui se rendaient à Millau et redoutaient la traversée du Causse. Au bois de Carron, un peu plus loin, un peu plus haut, la petite chapelle de Saint-Amans nous offre un peu d’ombre.
A La Cavalerie, nous prenons le temps de nous reposer à hôtel de la Poste. Un peu trop car nous ratons la possibilité d'effectuer la visite du chemin de ronde et des remparts qui comportent des salles voutées et une collection de monnaies ancienne, le point de visite ayant fermé à 18 heures. Nous nous en voulons un peu d’avoir manqué une vue imprenable sur les Mont du Lévézou, les Cévennes et le Larzac. Pour nous consoler, nous déambulons dans les ruelles du village d’origine templière qui possède des magnifiques vestiges de son enceinte fortifiée.
JOUR 5
ETAPE 5 LA CAVALERIE/SAINT GENIEZ DE BERTRAND
21 KM D+ 240M
En quittant La Cavalerie, nous renouons avec les fameuses lignes droites du Larzac. Nous apercevons les collines du camp militaire qui accueille depuis 2016 la 13e demi-brigade de la légion étrangère et ses 1 200 légionnaires. Le camp, installé depuis 1902 occupe 3 000 hectares (soit 3% du plateau du Larzac). Son extension initialement prévue devait porter sa surface à 17 000 hectares.
Le chemin longe ensuite un étonnant bois de pins d'Autriche. En 1989, 1789 écoliers de Millau y avaient planté autant d'arbres de la liberté pour commémorer la Révolution française.
A quelques pas de là, le Raja del Gorp se dresse à l'horizon. Cet amphithéâtre naturel est le symbole de l'histoire de la lutte et de la géologie du plateau.
Ce chaos rocheux façonné par l'eau est typique des paysages caussenards. C'est ici qu'en 1973, 60 000 personnes regroupées au nom de la lutte, suivront de nombreux immenses rassemblements.
Faute de temps, je contemple de loin cette île de rochers aux formes fantasmagoriques.
Un peu plus loin, la piste ondule et, du haut d’une colline, le panorama est époustouflant, le plateau déploie les vastes étendues de ces steppes.
A midi, comme un mirage, à l’extrémité du plateau, apparaît la ferme fortifiée de Brouzes. Construite au début du XVème siècle, la ferme déployée en rectangle, est majestueuse. Allongés dans l’herbe, au bord du chemin, à l’ombre, nous essayons d’imaginer ce que cache les tours et les cours.
Pour rejoindre notre dernière étape, Saint-Geniez-de-Bertrand, il nous faut plonger depuis la corniche du plateau jusqu’au fond d’un cirque. La descente, par une route sans parapet, est vertigineuse, les lacets s’enchaînent. Plus bas, le village et son château reposent sur une mosaïque de champs de blé tandiq que des genêts dorent les flancs des falaises abruptes.
Nous passons la soirée à visiter le joli hameau et sa petite église dont notre hôte, Thierry, nous a confié les clefs. Au dîner, nous dégustons le mythique aligot.
JOUR 6
ETAPE 6 SAINT GENIEZ DE BERTRAND / MILLAU
13 KM D+ 400 M
Sur les conseils de Thierry, nous prenons un sentier de traverse, « le chemin du facteur » (toujours se méfier des sentiers du curé ou du préposé de la poste, ces diables-là devaient avoir des mollets d'acier) pour rejoindre le plateau et éviter l’éreintante remontée par la route.
Le raidillon part à l'assaut d'un ravin qui nous permet effectivement de retrouver facilement et rapidement le GR®71D et le haut du plateau. A une intersection, nous décidons de rejoindre une section du GR®736 "Gorges et vallée du Tarn" qui dévale vers notre point de départ en surplombant le sublime cirque de Boundoulaou. En effet, pour ses derniers kilomètres, le GR®71D revenait sur ses pas pour descendre à Millau, la perspective pour la dernière journée d’itinérance, de découvrir le charmant village de Creissels et ses alentours était bien plus tentante.
Aucun regret car le sentier qui serpente sur la corniche avec le viaduc en toile de fond est de toute beauté. L'ouvrage culmine à 343 mètres (plus haut que la tour Eiffel) pour une longueur de 2460 mètres. Avec ses haubans, cet immense voilier s'appuie au bord sur le Causse Rouge et au sud sur le Causse du Larzac.
Nous effectuons un petit détour pour découvrir le Moulin de Tournal (haut lieu d'affutage) et la cascade de Creissels (23 mètres) où nous savourons une pause ombragée les pieds dans l’eau du ruisseau.
Le dédale de ruelles pittoresques de Creissels nous amène jusqu’aux rives du Tarn où glissent des kayaks. On se met à rêver d’embarquer nos sacs vers d’autres aventures mais il est temps de mettre fin à nos pérégrinations, nous reviendrons.
Le Larzac a été une terre de rencontres, de partages, de convivialité, d'aventures et d'ensauvagement. Marcher pendant des heures sur les traces des bergers caussenards, contempler des horizons infinis de steppe, traverser des hameaux préservés, arpenter des chaos rocheux, pendant quelques jours, le Larzac a offert ce qu'il a de plus précieux : l'espace, le silence, l’âme et les valeurs de ceux qui le préservent et le font vivre.
INFOS PRATIQUES
Certaines étapes sont longues et parfois les parties ombragées sur le plateau sont rares. Prendre suffisamment d'eau pour chaque étape.
Cet itinéraire traverse des zones de pâturages et des chiens de protection sont dans les troupeaux pour les protéger (nous n’avons que peu croisé car il faisait très chaud et les brebis sortaient en soirée).
Pour préparer sa randonnée
Topoguide Tour du Larzac, Templier - Hospitalier entre Causses et vallées
Accès routiers et parkings
Accès à Millau : depuis l'A75 sortie 45 dans le sens Nord-Sud et sortie 47 La Cavalerie dans le sens Sud-Nord.
Stationnement :
Parking de la Grave, Rue Cantarane
Ressources
Office de Tourisme Larzac et Vallées : tourisme-larzac.com/fr
Site mongr.fr : GR71D : le Tour du Larzac
→ Retrouvez toutes les infos pratiques de cette aventure sur le site de Frédéric Desfrennes ICI. Vous y trouverez également d'autres récits d'aventure !
→ Cette aventure sera l'objet d'un livre qui sortira courant 2026
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